Notre Histoire

Avec l’attentat de Sarajevo et l’embrasement de la Première guerre mondiale, commença un temps de grande souffrance pour les soldats et leurs familles. Ces événements ont toutefois permis la naissance d’un mouvement de libération nationale chez les peuples de l’ancienne monarchie austro-hongroise. La France fut au centre de la résistance des Tchèques à la domination autrichienne. Un premier Conseil national tchécoslovaque établit son siège à Paris. Il fut reconnu, au milieu de l’année 1916, par les puissances de l’Entente, comme le seul représentant autorisé de la résistance tchécoslovaque à l’étranger. Dès la déclaration de guerre, les associations Rovnost et Sokol exercèrent une influence décisive sur les Tchécoslovaques de France. Lors d’une réunion commune, le 29 juillet 1914, leurs représentants se prononcèrent en faveur d’un engagement général dans l’armée française. Le 21 août 1914, l’admission des volontaires dans l’armée française était ouverte. Dès le lendemain, les volontaires tchèques se présentaient collectivement au conseil de révision. Les recrues ont été peu après transférées dans le sud-ouest, à Bayonne. Elles y ont reçu une instruction militaire pour former la première compagnie du bataillon C du 2° régiment de marche du 1er régiment étranger de la Légion. Les Français et les autres étrangers appelèrent cette compagnie, la compagnie Nazdar, en raison du salut que les Tchèques échangeaient entre eux.

Une dure épreuve attendait les soldats tchèques lors de l’offensive française du 9 mai 1915 en Artois. Les combats qui eurent lieu à La Targette, petit village des environs de Neuville-SaintVaast, près d’Arras causèrent d’énormes pertes aux volontaires tchécoslovaques. Parmi ceux qui sont tombés là, il y eut le chef du Sokol de Paris, Josef Pultr, le président de l’association Rovnost, Josef Sibal, et le porte-drapeau Karel Bezdfcek. En tout, 42 volontaires tchèques ont été tués, 90 furent blessés. Beaucoup d’entre eux en garderont les séquelles à vie. Après l’attaque suivante, le 16 juin 1915, le bataillon C dut être dissous, ce qui entraîna la fin de la compagnie Nazdar. Les volontaires tchèques qui restaient ont été reclassés dans d’autres unités, principalement dans la première compagnie du bataillon B. Ils ont combattu dans les rangs de la Légion Etrangère jusqu’en 1918. Ils furent alors renvoyés du front pour rejoindre la Brigade tchécoslovaque à Darney. Les lettres des soldats à leurs amis parisiens témoignent de l’atmosphère qui régnait dans les tranchées et sur les champs de bataille. L’évocation de la chère mère patrie est fréquente notamment dans la correspondance des époux Cermak, propriétaires du premier restaurant tchèque de Paris. A Paris, le Comité national tchécoslovaque, présidé par Tomas Garrigue Masaryk, dirigeait depuis un bon moment ses efforts vers la création d’une formation militaire autonome. Cependant, manquaient, et les troupes, et l’accord du gouvernement français. Mais, dès 1917, ce dernier fit volte-face. C’est au cours de cette annéelà qu’une partie des légionnaires tchécoslovaques venus de Russie qui avaient réussi à gagner la France, furent rejoints par des soldats tchèques de l’armée austro-hongroise faits prisonniers sur d’autres fronts. En décembre, le gouvernement français consentit à la création d’une légion tchécoslovaque en France et, dès le 12 janvier 1918, on forma, à Cognac, le 21° régiment de chasseurs sous l’autorité du maréchal Foch. On y incorpora les volontaires qui servaient déjà dans la Légion Etrangère. Peu de temps après, le 20 mai 1918, un 22° régiment de chasseurs tchécoslovaques fut formé à Jarnac. Le 30 juin 1918 le président Poincaré accueillait Edouard Bénès à Darney et proclamait le droit à l’indépendance des Tchèques et des Slovaques devant les soldats désormais réunis au sein de la brigade tchécoslovaque nouvellement créée. On remit ce jour-là au 21° régiment tchécoslovaque le drapeau rouge et blanc off par la ville de Paris, réalisé d’après une proposition du peintre Frantisek Kupka. Les soldats prêtèrent solennellement serment devant le président de la République française puis furent envoyés au front. Le 21° régiment reçut le baptême du feu à Terron, le 22°, non loin de là, à Vouziers, sur le front de l’Aisne. A la fin de la guerre, le 3 décembre 1918, on forma à Cognac un 23° régiment de chasseurs tchécoslovaques puis un 24 °, le 18 janvier 1919. Une cinquième division tchécoslovaque succéda ainsi à la brigade de 1917. Ce qui donna naissance, à une armée nombreuse qui, en dépit de débuts modestes mais déterminés, joua un rôle décisif dans la création d’un Etat tchécoslovaque indépendant. La date du 30 juin est restée jusqu’à aujourd’hui la fête officielle de l’armée de la République tchèque en souvenir du serment de Darney.

L’Association des volontaires tchécoslovaques commença à développer son activité dès le début de la première guerre mondiale en apportant son soutien matériel et moral aux soldats
envoyés au front ainsi qu’à leurs familles, en facilitant aussi leurs démarches administratives. Elle fut financée dès le départ grâce à des dons divers, notamment des Etats-Unis. Son existence fut officialisée en 1919. Elle fut chargée plus spécialement de s’occuper des veuves et des orphelins comme de veiller sur les sépultures des soldats tombés. Il lui fallait aussi d’obtenir des indemnités pour les combattants et le versement des pensions pour les veuves et les invalides. L’association servait également d’intermédiaire dans la distribution des distinctions militaires. Une autre association entretenait tout particulièrement le souvenir des combattants, celle des garçons de café. Soixante-six de ses membres s’étaient engagés ensemble dans l’armée française dès le début des hostilités. Le dixième anniversaire des combats de la compagnie Nazdar à La Targette sur les hauteurs de l’Artois fournit l’occasion de hâter l’érection d’un monument. On veillait à célébrer l’anniversaire de la création de l’Etat et de l’armée tchécoslovaques et à cultiver la mémoire de tous les combats auxquels les volontaires tchèques et slovaques avaient participé. Des visites en Tchécoslovaquie furent organisées et des membres de l’association ont été reçus par le président Masaryk. En 1935, année du vingtième anniversaire des combats de La Targette sur les hauteurs de l’Artois, l’Association des volontaires prit possession de ses nouveaux locaux dans la maison Masaryk, au 18 de la rue Bonaparte à Paris. Cette demeure était devenue un hautlieu d’histoire pendant la guerre : elle avait accueilli les séances du Comité national puis celles du Gouvernement provisoire de l’Etat tchécoslovaque naissant. Le gouvernement de Prague en fit l’acquisition et l’offrit solennellement à la Colonie tchécoslovaque le 27 juin de la même année. Les bâtiments occupés par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale abritent aujourd’hui le Centre culturel tchèque et le consulat. Ils restent encore aujourd’hui un symbole du destin de la Tchécoslovaquie et l’expression de l’amitié avec la France, premier pays à considérer comme légitime le combat des Tchécoslovaques pour un Etat indépendant. En 1930, le gouvernement de Prague reconnaissant avait offert une nouvelle école à la ville de Vouziers durement éprouvée par les combats. Cette école, aujourd’hui lycée, symbole de l’amitié francotchécoslovaque, porte toujours le nom du président Masaryk.

Sous prétexte de protéger les citoyens tchécoslovaques de langue et de culture allemande, l’Allemagne décida, en 1938, d’occuper la Tchécoslovaquie.
On voulait se protéger de la pression du Reich et l’on comptait sur l’aide de l’allié français. La France, consciente de sa faiblesse militaire, soumise à la pression britannique, refusa son aide à la Tchécoslovaquie. Lors de la conférence des quatre grandes puissances à Munich, le 29 septembre 1938, on décida que les régions frontalières de la Tchécoslovaquie seraient livrées à l’Allemagne, à la Pologne et à la Hongrie. On était convaincu d’avoir réussi à sauvegarder la paix, en réalité, on ne fit que retarder la guerre. La Tchécoslovaquie de son côté, disposait alors d’une armée de qualité, prête à défendre son pays. L’ordre de mobilisation du 23 septembre 1938 avait rassemblé plus d’un million d’hommes déterminés. Munich mit fin à ce profond élan patriotique.
Les Tchécoslovaques de France soutinrent leur patrie d’origine contre l’Allemagne. En septembre 1938, ils écrivirent au président du conseil Daladier pour manifester leur opposition à la cession des régions frontalières de la Tchécoslovaquie, exiger le maintien des accords francot-tchécoslovaques d’assistance mutuelle ainsi que leur incorporation dans l’armée française. Ils voulaient se battre contre l’Allemagne. Le 15 mars 1939, l’Allemagne occupait les pays tchèques et créait le Protectorat de Bohême Moravie. Le 17 mars, le gouvernement français déclara ne pas reconnaître l’occupation de la Tchécoslovaquie. Les volontaires tchécoslovaques purent dès lors s’engager dans la légion étrangère à la condition qu’ils pourraient, dès l’entrée en guerre, être incorporés dans des unités tchécoslovaques. Les Tchécoslovaques de France multiplièrent les réactions d’hostilité à l’occupation des pays tchèques. Une campagne de signatures fut lancée afin que le centre de la vie associative des Tchécoslovaques, la maison Masaryk, rue Bonaparte, ne tombât pas aux mains des Allemands. Le premier jour, on avait déjà recueilli plus de 60 000 signatures dont celles du général Louis Faucher ou encore celle du président de la Chambre des députés, Edouard Herriot

Après l’agression allemande contre la Pologne du premier septembre 1939 et la déclaration de guerre, des négociations eurent lieu à Paris entre les responsables du Comité national tchécoslovaque et le gouvernement français en vue de créer à nouveau une armée tchécoslovaque en France. Un accord dans ce sens fut signé par Edouard Daladier, président du Conseil et ministre de la Guerre et par l’ambassadeur Stefan Osusky au nom du gouvernement tchécoslovaque provisoire, le 2 octobre1939. Dès le 12 septembre, une commission militaire avait commencé à préparer, à Agde, un centre d’entraînement pour la future armée tchécoslovaque. Le 28, on avait déjà formé une première unité militaire. L’armée tchécoslovaque en France compta jusqu’à 11 400 hommes, aviateurs compris. Reprenant les traditions de leurs prédécesseurs, les premiers volontaires tchécoslovaques de Paris se réunirent au Palais Royal, là même d’où étaient partis, le 22 août 1914, leurs compatriotes incorporés dans la Légion Etrangère à Bayonne. La situation des soldats se dégrada considérablement après la capitulation de la France en 1940. A la déclaration d’armistice, le 20 juin 1940 les quelques soldats qui avaient fui la France pour l’Angleterre se firent arrêter et furent renvoyés à Agde, lieu de rassemblement d’une armée tchécoslovaque en déroute. Le meilleur de cette armée et la quasi-totalité des aviateurs, soit plus de 4 000 hommes furent évacués par voie maritime vers les îles britanniques. Parmi les autres, ceux qui se trouvaient sans adresse et sans ressources en France, une fois démobilisés, subirent le sort réservé aux étrangers « indésirables ». Ils furent affectés à des compagnies de travail ou bien durent rester dans des camps où ils risquaient la déportation surtout s’ils étaient militants antinazis, communistes ou juifs. Certains d’entre eux réussirent à s’enfuir vers l’Angleterre ou à rejoindre la Résistance. La plupart retournèrent au combat en 1944. Les militaires tchécoslovaques revinrent sur le sol français après le débarquement allié en Normandie. Il s’agissait tout d’abord d’individus isolés servant dans les forces de la France libre du général de Gaulle. Puis la brigade blindée tchécoslovaque rejoignit la France en septembre 1944. Elle prit part à la bataille de Dunkerque.

Tout de suite, le Consulat de Tchécoslovaquie à Marseille s’occupa des soldats regroupés au camp militaire d’Agde. Bientôt le souci de leur trouver logement et nourriture fut confié au Centre d’aide tchécoslovaque nouvellement créé. D’un point de vue strictement légal, le Centre était une organisation de bienfaisance. Il était en réalité le seul organisme officiel reconnu par les institutions tchécoslovaques en zone non occupée. Il avait une mission d’aide sociale et dut aussi se charger de la démobilisation et de l’évacuation des militaires tchécoslovaques. Une partie de l’aide du Centre se consacra tout particulièrement à la protection des femmes et des enfants des réfugiés tchécoslovaques internés dans les camps d’hébergement. Beaucoup étaient juifs. Le Centre aidait aussi au départ des soldats évadés. Les Tchécoslovaques de Marseille fournirent aussi de faux papiers à des centaines d’autres réfugiés d’Europe centrale qui se trouvaient bloqués dans la partie non occupée de la France. Ils facilitèrent nombre de départs clandestins. Pour assurer aux soldats démobilisés un moyen d’existence et leur permettre du même coup de retrouver la liberté, le Centre acheta et remit en exploitation des fermes abandonnées dans le Cantal et en Corrèze. C’est aussi la mise en valeur de terres agricoles qui fournissait une grande partie des moyens de subsistance nécessaires à la Maison d’accueil chrétienne pour enfants que le Centre d’aide avait ouverte au printemps de 1941, à Vence, dans les Alpes Maritimes. Le Centre était financé notamment par le fonds d’aide créé par des citoyens américains d’origine tchécoslovaque, et par le gouvernement tchécoslovaque en exil de Londres. Il avait été fondé par D. A. Lowrie, représentant de l’organisation chrétienne protestante internationale YMCA, et par le pasteur Toureille, chef de la Mission évangélique en France. Son directeur fut Oldi’ich Dubina, ancien président de l’Association des étudiants et intellectuels tchécoslovaques puis membre actif de l’Association des volontaires après la guerre qui eut plus tard pour président, Josef Fišera, le fondateur de la Maison d’enfants de Vence.

Les Volontaires des années 1939-1940 fondèrent à leur tour leur propre association en novembre 1944 pour défendre les droits matériels et moraux des combattants, soutenir veuves et orphelins et perpétuer la mémoire des soldats tombés sans attendre l’autorisation officielle du ministère de l’intérieur (le 12 avril 1946). Ses missions étaient identiques à celles de l’Association Rota Nazdar qui regroupait déjà les volontaires de la première guerre mondiale, une fusion, décidée en assemblée générale, eut donc lieu le 30 avril 1947. Toute activité politique ou religieuse était proscrite. L’ensemble devint par ailleurs une section du Cercle des légionnaires tchécoslovaques de Londres. Il comptait alors près de 1 500 membres à Paris mais aussi dans le Pas-de-Calais, à Lille, Bordeaux, Colmar, Béziers et Nice. Après la guerre, il s’agissait surtout pour l’Association d’obtenir le versement de pensions aux anciens combattants de l’armée tchécoslovaque en France. Or, sept à huit mille de ces soldats, ressortissants tchécoslovaques n’étaient pas en mesure pour des raisons objectives d’obtenir leur feuille de démobilisation. Ils ne possédaient donc aucun papier nominatif émanant des autorités françaises. De ce fait, ils n’avaient le droit ni de toucher une prime de démobilisation, ni d’obtenir un poste dans l’administration. Un accord entre gouvernements conclu le 23 septembre 1947 améliora la situation. Il garantissait aux citoyens tchécoslovaques les mêmes droits et avantages que ceux accordés, en France, aux anciens combattants et résistants. C’est au secrétaire d’alors, Oldi’ich Dubina, juriste éminent que revint la tâche d’aider les membres à faire valoir leurs droits.

Comme après la Première guerre mondiale, une des vocations principales de l’Association fut alors la gestion des sépultures militaires. Une importante cérémonie du souvenir eut lieu le 4 juillet 1948, à Darney, sur les ruines du monument dédié à l’amitié franco-tchécoslovaque en présence d’anciens légionnaires de la brigade tchécoslovaque venus de Prague. En ce temps-là, l’association recrutait des personnes qui essayaient de ne pas prendre de position politique et qui participaient aux activités d’autres groupements, Sokol, Sporting, Association des jardiniers etc. Tous furent peu à peu rattrapés par les conséquences du coup d’Etat de février 1948.

En Tchécoslovaquie, les profonds changements économiques et sociaux engagés dès la fin de la guerre prirent une tournure plus radicale. Ce qui aboutit à la nationalisation progressive de l’industrie et de l’artisanat et à la collectivisation de l’agriculture. Les libertés démocratiques furent limitées et la police commença à arrêter les opposants au régime. De nombreuses personnes préférèrent s’exiler. A Paris, la défense des relations traditionnelles francotchécoslovaques fut le souci des exilés de 1948 et 1968 soutenus par quelques écrivains, savants, publicistes et hommes politiques. Le développement de l’amitié franco-tchécoslovaque faisait aussi partie des objectifs de l’Association des volontaires. Les tensions entre l’Association des volontaires tchécoslovaques en France et les représentants de la Tchécoslovaquie communiste à Paris s’exacerbèrent dès 1948 pour culminer au cours de l’année 1949 par la rupture avec l’ambassade de Tchécoslovaquie qui hébergeait l’association dans les locaux de la maison Masaryk, rue Bonaparte. Le gouvernement tchécoslovaque suspendit le paiement des indemnités aux anciens volontaires démobilisés et les aides aux familles. Malgré tout, l’Association des volontaires s’efforça de ne pas affirmer de position politique. En 1952, elle tenta de renouer les contacts avec l’ambassade. Elle lui fit parvenir un mémorandum où elle récapitulait ses revendications: la poursuite du versement des indemnités de démobilisation et des aides alimentaires, la suppression des dispositions concernant l’obligation de produire avant tout versement une « attestation de confiance nationale » refusée à tous ceux que Prague considérait comme hostiles au régime communiste, le déblocage des avoirs bancaires que les membres de l’association ou leurs héritiers possédaient encore en Tchécoslovaquie, la délivrance de distinctions et d’attestations permettant de faire valoir leurs droits d’anciens combattants. Durant l’été 1948, beaucoup de ceux qui désapprouvaient la prise de pouvoir des communistes et les transformations sociales qu’elle entraînait purent manifester leur désaccord à l’occasion du XI° Slet des Sokols et des obsèques du président Bénès. Les membres du Sokol de Paris qui voulaient participer au Slet de Prague craignaient de ne pas pouvoir librement rentrer en France. Finalement, ce sont 150 membres du Sokol parisien et 85 gymnastes qui firent le voyage à Prague.

L’année 1968 fut aussi pour l’Association des volontaires tchécoslovaques en France celle du cinquantième anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie. Dans l’atmosphère de libéralisation politique qui régna pendant les six premiers mois de l’année, l’association parvint à mettre en œuvre deux projets importants. Ainsi, le 19 mai 1968, on inaugura à La Targette en Artois un monument aux morts en présence du général Flipo. Une délégation militaire tchécoslovaque faisait même partie des invités présents à une cérémonie qui couronnait de nombreuses années d’efforts en vue de créer un lieu où les soldats tombés au cours des deux guerres mondiales puissent reposer dignement. Les fonds nécessaires à l’érection de ce monument provenaient d’une collecte effectuée non seulement en France mais aussi en Angleterre, en Amérique et en Australie et à laquelle la Tchécoslovaquie ne participa pas. C’est en mars 1958, que le Comité de l’association avait décidé la création d’un cimetière tchécoslovaque à la Targette, décision approuvée en assemblée générale. Cela répondait à un double besoin : créer un lieu de repos digne des soldats tchèques et slovaques tombés au cours des deux guerres mondiales et regrouper en un seul lieu des sépultures dispersées un peu partout en France. La cérémonie d’ouverture du cimetière national tchécoslovaque eut lieu le 20 septembre 1959. La même année, on procéda au transfert des restes de 64 soldats tombés à Dunkerque et de 12 combattants de la compagnie Nazdar. On rassembla ainsi dans ce cimetière 206 tombes. Ces transferts, à la charge du ministère des Anciens combattants, furent organisés par le service français des sépultures militaires. Par ailleurs, la ville de Darney saisit l’occasion du 50° anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie pour organiser une semaine tchécoslovaque. On devait officiellement y inaugurer le monument reconstruit en 1968, grâce au comité des Tchécoslovaques du département des Vosges, et qui remplaçait l’ancien édifice dédié à l’amitié franco-tchécoslovaque bombardé par les nazis. L’inauguration prévue fut annulée en raison de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes de Pacte de Varsovie. Elle eut lieu en 1978 lors du 60° anniversaire de la création de la Tchécoslovaquie en présence d’éminentes personnalités françaises mais sans aucun représentant officiel tchécoslovaque. On dut attendre jusqu’au 30 juin 1998 la visite d’un chef d’Etat de la République tchèque

L’occupation de la Tchécoslovaquie fut suivie d’une période dite de normalisation. L’Association des volontaires tchécoslovaques en France chercha à participer de toutes les manières possibles à la dénonciation de l’évolution antidémocratique de la situation tchécoslovaque. L’association protesta contre les atteintes à la liberté d’expression des citoyens du bloc de l’Est notamment, le 27 janvier 1971 où elle organisa avec d’autres une manifestation pour l’anniversaire de la mort de Jan Palach. Peu avant la visite de Leonid Brejnev à Paris, le 22 octobre 1971, elle adressa au président de la République française une lettre dénonçant le refus du droit au suicide dans les pays du bloc soviétique. L’association soutint des actions d’aide aux Tchécoslovaques exilés en Europe comme la vente de cartes éditées à Munich pour le 5° anniversaire de l’occupation soviétique ou la vente de timbres au profit des dissidents de la Charte 77. Elle collaborait étroitement avec le Sokol et d’autres associations démocratiques de Paris, comme l’Amitié franco-tchécoslovaque fondée par le général Louis Faucher. L’association se tenait informée à la fois par les milieux d’exilés et par des contacts directs avec la Tchécoslovaquie. Les nouvelles du pays d’origine alimentaient les réunions du comité directeur et les assemblées générales au cours desquelles le général Flipo, président d’honneur de l’association, n’oubliait jamais d’évoquer le caractère désastreux de la situation tchécoslovaque mais aussi la conviction que « la vérité vaincra ». De plus, on voulait surtout garder présente à la mémoire des événements historiques qui avaient permis l’indépendance et la liberté de la Tchécoslovaquie. On veillait aussi à entretenir le souvenir de ceux qui avaient donné leur vie pour ce même idéal d’indépendance et de liberté. Ainsi, la ville de Vouziers et l’Association des volontaires tchécoslovaques organisèrent ensemble une série de manifestions pour le soixantième anniversaire des combats victorieux d’octobre 1918 sur le front d’Argonne au cours desquels intervint avec succès la brigade de tirailleurs tchécoslovaques formée à Darney. Dans le cadre de ces journées franco-tchécoslovaques, il y eut une cérémonie au monument aux morts de Vouziers, et une autre au monument du cimetière militaire du village de Chestres où furent enterrés 320 soldats tchécoslovaques. D’autres commémorations furent organisées au bourg de Terron et au village de Vandy. Le comité directeur de l’association accordait le plus grand soin à la collecte de documents historiques. Il fut ainsi possible de rassembler des informations sur les circonstances des combats et de rechercher les sépultures des soldats tombés, qui firent l’objet d’articles concernant l’association des volontaires tchécoslovaques et fournirent la matière du livre de Josef Fišera « Les sépultures militaires tchécoslovaques en France » qui dresse la carte de tous les lieux de combat où se trouve conservé le souvenir des soldats tchécoslovaques.

A la suite des changements que venaient de vivre d’autres pays du bloc soviétique, une manifestation d’étudiants eut lieu le 17 novembre 1989 à Prague. Ce fut le début de la Révolution de velours. Avec la fin du régime totalitaire, l’Association des volontaires tchécoslovaques put développer le réseau de contacts qu’elle avait conservés à titre privé et établir de nouveaux rapports avec des institutions tchécoslovaques dont les représentants nouvellement mis en place étaient, cette fois, bien disposés à son égard. La libéralisation tchécoslovaque permit au président Josef Fišera d’organiser la visite de 45 anciens volontaires de la seconde guerre mondiale à ces lieux de mémoire que sont Agde et La Targette. Profitant de la modification du contexte politique, l’association et les Sokols de Paris adressèrent aux représentants de la Tchécoslovaquie une motion demandant le retour aux traditions de la première république ainsi que l’envoi en France de diplomates sans lourd passé politique. L’association survécut à la partition de la Tchécoslovaquie, partition que ses membres acceptèrent difficilement. Elle continua de défendre ses droits moraux comme ce fut Je cas lorsqu’elle fut invitée à rencontrer le président Havel à Paris en 1994. Par chance, la vente de la Maison Masaryk, rue Bonaparte, que la séparation des Etats tchèque et slovaque avait pu faire craindre un moment, n’eut pas lieu. La République tchèque conserva l’ancien lieu d’accueil de la colonie tchèque et de l’ensemble de ses associations, demeure qui fut autrefois le siège provisoire des plus hautes autorités de l’Etat.

En 1985, le contact fut pris entre l’Association des volontaires tchécoslovaques en France et la ville de Sezemice, lieu de naissance du porte-drapeau de la compagnie Nazdar, Karel Bezdfëek. Des liens d’étroite amitié se sont noués entre le District de Pardubice et ses représentants, jusqu’à la disparition de cette entité administrative, suite à la réforme de l’Etat de 2002. Tous les ans des commémorations communes ont eu lieu au cimetière tchécoslovaque de
La Targette. Ces cérémonies reçoivent maintenant le soutien de la Région de Pardubice. Une section tchèque de l’Association des volontaires tchécoslovaques a été créée en 2005 à Sezemice afin de soutenir l’action de l’Association française qui voit le nombre de ses membres diminuer.

Grâce à l’initiative conjointe de l’Association des volontaires tchécoslovaques en France et sa section tchèque, de l’ambassade tchèque de Paris et des archives de Pardubice, les archives de l’association versées aux archives militaires de Vincennes ont été transférées à Pardubice, où se trouvait déjà, depuis 2004, le fonds légué par le professeur Josef Fišera qui présida l’association pendant de longues années. C’est en 2008 que fut exploité pour la première fois ce fonds d’archives lors de la réalisation de l’exposition intitulée « L’Association des volontaires tchécoslovaques en France et les tournants de l’histoire tchécoslovaque ». Cette exposition fut présentée lors des manifestations du souvenir de la ville de Vouziers, en novembre 2008 ainsi qu’en mai 2009 à l’occasion de la commémoration des combats de La Targette et en juin de la même année pour les cérémonies de Darney.


Traduit du tchèque par Françoise Noirant